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Les trois années de mon séjour à Diyarbakir

 

 

Diyarbakir, à l'époque de notre retour dans cette ville, 13 ou 14 ans après notre migration à líétranger, conservait obstinément son aspect et caractère antérieurs. C'était une ville turco-musulmane, comme toutes celles d'Anatolie

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soit Trébizonde, Brousse, Ankara, Adana, etc... (excepté Constantinople riche en éléments étrangers) ou arabo-musulmane comme Alep, Damas, Beyrouth, Jérusalem, privées díéléments étrangers aussi. Diyarbakir avait toujours conservé sa vie sociale orientale, turco-arabe primitive.
N.B. : Beyrouth et Smyrne différaient quelque peu par la présence de leur port et líexistence de leur trafic maritime.


La population chrétienne de la ville était à majorité arménienne. Il y avait au deuxième rang les Assyriens orthodoxes (comme la famille Asfar) puis les Chaldéens (comme la famille Bengli) et très peu de Grecs, peut-être une trentaine de familles, comme jíavais pu comprendre par ouï-dire.
On suppose que cette minorité grecque représentait le reste du passage des Grecs dans líantiquité, dans cette région díAnatolie. Comme preuve de ce reliquat, líexistence díune très vieille église grecque orthodoxe, líéglise Saint-Georges dans le quartier chrétien que nous habitions.

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J'ai le souvenir d'avoir habité à Diyarbakir, avec mes parents une vaste, belle et confortable maison, propriété de Monsieur Constantinides, père du jeune compatriote, qui, plus tard, lors de nos années d'études avec lui à Beyrouth, a partagé avec moi la même chambre d'abord, puis occupé une chambre attenante à la mienne pendant que lui suivait ses études de génie et moi celles de médecine.


Notre pharmacie était située dans le centre de la ville, à l'angle d'une rue, près d'une fontaine, face à une autre pharmacie dont les deux fils du propriétaire (Monsieur Kadri, chaldéen de confession) ont fait, plus tard, bien après moi, leurs études médicales à Beyrouth. Je les ai bien connus ici, promus médecins. L'aîné exerce aujourd'hui sa profession aux Etats-Unis en Amérique, le cadet la cardiologie à Beyrouth, à Fourn-El-Chebbak [quartier de Beyrouth].


C'est dans la pharmacie de mon père que durant mes années passées à Diyarbakir, j'ai sérieusement fait mon stage et appris l'essence du métier. A l'époque, le rôle, le travail du pharmacien étaient bien plus importants et lourds de responsabilités qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Ils ne consistaient pas comme actuellement à livrer en général et simplement des spécialités toutes prêtes, prescrites par le médecin, mais à exécuter dans la majorité des cas avec art et science des ordonnances formulées, qui exigeaient des préparations compliquées (des potions, lotions, cachets, pilules, mixtures, pommades, etc...) avec produits divers minutieusement dosés et pesés.


Au collège turc, vaste établissement situé en dehors de la ville, à la bordure du Tigre, mon année de travail a été superbement profitable.
J'y ai perfectionné les sciences et le français si bien qu'aux examens de fin d'année j'ai obtenu le chiffre de 10 maximum sur toutes les matières étudiées et j'ai décroché la première place sur la cinquantaine d'élèves de ma classe.

Ce beau succès provoqua chez mon père une légitime joie et fierté mais aussi une pénible obsession : celle d'une crainte pour ma vie, l'éventualité de ma suppression par les rancuniers et les jaloux et les fanatiques de la religion.
Aussi, il m'empêcha de poursuivre mes études dans ce lycée turc et engagea un bon et patient professeur, un Arménien manchot de la main gauche pour assurer ma formation du français et des sciences.


Concomitamment à la pratique dans la pharmacie, je poursuivais mes études sous la direction du professeur engagé, et très souvent durant de longues heures veillées dans la nuit à la lumière d(une lampe à pétrole.
Je me rappelle les nombreuses fois où mon père ou ma mère venait tard, après minuit, éteindre la lumière et m'obliger à gagner le lit.

Ainsi, la période du temps des années scolaires de 1911/1912 et de 1912/1913 fut écoulée dí'une part par mon assiduité à la pratique de l'art à la pharmacie de mon père, d'autre part par la poursuite de mes études à domicile, sous l'égide du professeur engagé, cela jusqu'en juin 1913, date où j'ai définitivement quitté Diyarbakir pour entreprendre mes hautes études pharmaceutiques à l'étranger.

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