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Beyrouth en 1914

Le cousin docteur Joseph Pétraki, peu longtemps après son retour de Constantinople à Beyrouth, quitta définitivement le Liban et s’établit avec sa femme à Stamboul. Plus tard, après la première guerre mondiale, à mon passage par Alexandrie pour me rendre en France en 1925, ses frères m’apprirent qu’il était décédé sans avoir eu d’enfant.

 

Avant d’entamer le récit de ma vie estudiantine laissez-moi vous décrire ce qu’était Beyrouth en 1913 lors de mon arrivée et de mon séjour dans cette capitale : ville arabe aussi primitive que celles de l’intérieur de la péninsule, sous domination ottomane, comptant à peu près 50-60 000 habitants.

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La place des Canons appelée aussi le Bourge était comblée et encombrée de gigantesques, disparates arbres sauvages, enchevêtrés, à feuillages touffus qui assombrissaient la place, sans bordure ni clôture. Dans l’ombre de leurs branches, s’abritaient 2, 3 cafés rustiques, arabes, où souvent des oisifs traînards venaient jouer bruyamment au tric-trac tout en fumant le narghilé et sirotant un café lequel pouvait souvent être imprégné de l’arôme de cardamome. La place était entourée de vieilles baraques et de constructions vétustes.

Fourn-el-Chebbak consistait en quelques boutiques éparses, environnées de terrains et champs plantés.

L’artère dite aujourd’hui rue de Damas, rue Weygand, rue Georges Picot, rue Bliss, etc..bien étroite à l’époque, était l’unique artère que traversait le tramway.

Dans son secteur, Fourn-Chebbak-Nazareth, ( Nasra ), à part quelques bâtisses espacées, vétustes, ne brillait que par la nouvelle bâtisse ( de 1912-1913 ) de la faculté française de Médecine de Beyrouth. L’au-delà de la faculté, jusqu’à Fourn-Chebbak, c’était des végétations.  

Dans son secteur Ras-Beyrouth, se dressaient les établissements de l’université américaine, moins étendus qu’ aujourd’hui. Au-delà de l’université américaine, s’étendaient quelques vieilles bâtisses. Après le terminus, au bas de la descente, où aujourd’hui, se situe le bain militaire, deux petits cafés rustiques qui offraient, comme ceux de la place des Canons, café et narghilé.

Quant aux hauteurs, la région dite Grotte des Pigeons, c’était le désert, sans construction, sans habitation, sans animation aucune.

La rue Gouraud, jusqu’à la compagnie des Tramways, était celle d’aujourd’hui, au-delà, elle se dissipait en vieilles constructions par-ci par-là avant d’atteindre le fleuve de Beyrouth.

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Le Bourge-Hammoud, centre de la population arménienne d’aujourd’hui, n’existait pas. C’était la campagne, la plantation.

La rue Spears, étroite et sablonneuse était plantée de cactus.

Le Hamra consistait en champs cultivés et plantés d’arbres dans toute son étendue.

Le centre de la ville, le quadrilatère d’aujourd’hui, englobant Bab-Edriss, rue Patriarche Hayek, rue Café Hagi-Daoud, rue du Port, la ligne qui relie cette dernière à la place des Canons.

Dans cette enceinte quadrilatère, point de rues larges, et des constructions présentes d’aujourd’hui. Elle représentait le centre commercial de la ville et n’était praticable qu’à pied et à dos d’âne, des ruelles accidentées.

 

 

Ce centre archaïque de la ville a été pendant la guerre mondiale (1914-18), bien avant sa fin, abattu, presque dans sa totalité, démoli intentionnellement par les Turcs, sur ordre du Vali de Beyrouth et du Général Djamãl Pacha, alors commandant militaire en chef de la région, dans le but de le reconstruire après la guerre, conformément à un plan moderne établi. Aussi, à l’arrivée de l’armée française, en 1919 (bien après celle de l’anglo-arabe d’occupation en octobre 1918 du Liban et de la Syrie) tout demeurait en ruine dans le quadrilatère tracé ci-haut. Seule l’artère de la ligne du tramway demeurait intacte. Elle traversait la masse des ruines.

Ainsi, tout ce que l’on voit aujourd’hui de Beyrouth-Centre si majestueusement construite (hélas, aujourd’hui détruite par la guerre palestino-phalangiste) est en grande partie l’œuvre de la présence du mandat français et plus tard de l’Etat libanais, après son indépendance de l’an 1943. A savoir qu’à mon retour de Castellorizo en 1921, la ville conservait son aspect, son cachet ci-haut mentionné, à part quelques aménagements. La restauration n’avait pu être entreprise qu’après cette date, progressivement, après que la France ait pu occuper Damas après sa guerre contre l’armée arabe de Fayçal, établi solidement en Syrie, depuis octobre 1918.

Ainsi, ces grandes transformations (du centre de la ville en ruine) que l’on voit aujourd’hui, où :

Des larges routes ont été ouvertes, des grands édifices ont été érigés.

Des routes ont été asphaltées, rue Allenby, rue Mourad, rue Foche etc., des immenses bâtiments.

A la montagne, le même genre de travail a été accompli. Des routes ont été élargies, de nouvelles ont été ouvertes. Rocailleuses, poussiéreuses, elles ont été asphaltées et d’immenses bâtiments ont été élevés dans beaucoup de villages.

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